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Donation d’œuvres : l’art de lutter contre les idées reçues

La transmission par donation ou succession des œuvres d’art de la main à la main est une idée assez répandue. Mais elle se heurte à un principe général de taxation et peut, in fine, se transformer en cadeau empoisonné pour les donataires.

Contrairement au principe d’exonération au titre de l’ISF, les donations d’œuvres d’art sont assujetties aux droits de donation. Ces derniers sont définis en fonction du lien de parenté entre donateur et donataire, par application de certains abattements et barèmes se renouvelant tous les quinze ans. (attention : si le conjoint ou partenaire de PACS est exonéré de droits de succession, les donations faites à son profit sont taxables au-delà de 80 724 € au barème progressif de 5 % à 45 %, au-delà d’environ 1,8 M€ d’actif transmis). Le présent d’usage Il existe toutefois une exception à cette règle, couramment appelée «présent d’usage». Celui-ci n’est ni taxé ni repris dans la liquidation civile de la succession. Il se caractérise par la transmission d’un actif d’une valeur modique (au regard du patrimoine et des revenus du donateur) et à l’occasion d’un événement particulier (mariage, anniversaire, Noël…). Compte tenu de l’enjeu, la jurisprudence en la matière est abondante et donne des indications pour pouvoir prétendre à ce cadre particulier. La situation doit toutefois être appréciée au cas par cas, et les nuances sont nombreuses. Afin d’éviter tout risque de requalification, il convient de «révéler» ladite donation, soit par le dépôt auprès de la recette des impôts du donataire d’un imprimé Cerfa en cas de don manuel, soit par l’enregistrement de l’acte de donation par le notaire. Aucune fiscalité ne sera alors due si la valeur de l’objet transmis n’excède pas l’abattement de droit commun disponible en matière de donation. Ce dernier correspond à 100 000 € par parent à un enfant ; 31 865 € par grand-parent à un petit-enfant ; 5 310 € par arrière-grand-parent à un arrière-petit-enfant ; 80 724 € au profit du conjoint ou partenaire de PACS ; 15 932 € entre frère et sœur ; 7 967 € au profit d’un neveu ou d’une nièce. À défaut, l’administration fiscale pourrait taxer le bien donné sur sa valeur actualisée (notamment en cas de contrôle au moment d’une succession ou de conflit familial), entraînant un montant de droits à payer supérieur. Au-delà du risque de taxation ultérieure de l’opération aux droits de succession, l’absence de révélation de la donation emporte également des conséquences pour le donataire en cas de cession. Il sera alors contraint d’acquitter la taxe forfaitaire de 6,5 %, calculée sur l’intégralité du prix de vente. En effet, en l’absence de preuve de l’acquisition, pour la détermination de la plus-value, aucun prix de revient ne pourra être retenu, ni de durée de détention décomptée. Cela empêchera donc le vendeur de bénéficier du régime des plus-values sur biens meubles avec un système d’abattement pour durée de détention, aboutissant à une exonération au bout de vingt-deux ans. Une approche sur mesure En fonction de la composition du patrimoine, de la configuration familiale et des objectifs poursuivis, diverses solutions peuvent être proposées. Parmi celles-ci, la donation-partage peut s’effectuer en présence de plusieurs enfants. En cas de réalisation d’un don manuel ou d’une donation simple, la valeur au jour du décès des biens donnés devra être rapportée à la succession pour déterminer les quotes-parts d’héritage de chacun. À l’inverse, la donation-partage permet de figer la valeur des actifs transmis au jour de la donation et de se soustraire aux règles de rapport civil quelle que soit l’évolution ultérieure de la valorisation des biens donnés. Cela permet d’éviter ultérieurement des conflits entre héritiers, notamment en cas de transmission d’œuvres d’artistes différents ou d’actifs de nature différente (bien immobilier, portefeuille-titres, entreprise, objet d’art…). Cette règle de droit commun trouve particulièrement écho en la matière, le marché de l’art révélant parfois des variations très fortes et rapides de la cote de certains artistes. Autre solution, une donation avec réserve d’usufruit permet de conserver la jouissance et, le cas échéant, les revenus jusqu’à son décès (voire celui de son conjoint par l’insertion d’une clause de réversion d’usufruit). Le démembrement de propriété est particulièrement adapté aux souhaits de certains collectionneurs d’anticiper la transmission, et ainsi de réduire de façon importante les droits de succession latents, tout en conservant la possibilité de profiter des œuvres leur vie durant. En effet, au jour de la donation avec réserve d’usufruit, seule la nue-propriété sera assujettie aux droits de donation (pourcentage déterminé en fonction de l’âge de l’usufruitier et de l’application du barème de l’article 669 du CGI). Au jour du décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire recouvrera la pleine propriété sans paiement de fiscalité complémentaire. Enfin, une donation-partage transgénérationnelle peut s’envisager pour organiser un saut de génération et ainsi, transmettre directement aux petits-enfants. D’un point de vue fiscal, elle offre la possibilité d’utiliser l’abattement particulier de 31 865 € par grand-parent et par petit-enfant (abattement qui n’existe pas en matière successorale), tout en sécurisant la liquidation civile de la succession. Dation en paiement et donation à une institution L’œuvre d’art peut également constituer un outil de paiement des droits de donation (mais également de succession, de partage ou d’ISF) via la dation en paiement. Cette solution peut permettre, en cas de détention d’un objet d’exception, d’acquitter les droits par la remise d’une œuvre sans avoir à arbitrer d’autres actifs dont la vente entraînerait le paiement de l’impôt de plus-value. Il est également possible d’envisager une donation en dehors du cercle familial afin de contribuer au rayonnement d’un artiste ou d’une collection, et d’éviter que les œuvres ne soient dispersées. Tel est le cas, par exemple, en l’absence de donataire identifié témoignant d’un intérêt artistique, ou encore lorsque le coût fiscal est jugé excessif (la transmission à des neveux et nièces est ainsi assujettie à un taux de taxation de 55 %). Il peut alors être envisagé de donner (ou de léguer) à un musée national, afin d’assurer l’exposition des œuvres dans le domaine public ; la propriété et la gestion de l’œuvre sont alors transmises au musée déterminé. On peut aussi constituer et/ou doter une fondation reconnue d’utilité publique ou un fonds de dotation pour sanctuariser tout ou partie d’une collection. Le fonds de dotation offre l’avantage, pour le donateur, de conserver la maîtrise de la gouvernance et le pilotage de la stratégie de gestion des œuvres ou du lieu d’exposition (le fonds peut par exemple aider le musée à acquérir une œuvre d’art et/ou un ouvrage de toute nature ; participer à la restauration d’une œuvre ; participer au financement des expositions temporaires, etc.). D’un point de vue fiscal, dans la plupart des cas, les donations consenties au profit de l’État (musée national), d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’un fonds de dotation ne généreront aucun droit de donation si les conditions d’éligibilité sont remplies. Le donateur peut par ailleurs bénéficier de certaines réductions d’impôt sur le revenu (sous conditions). On le voit, la donation d’œuvres d’art peut emprunter différentes techniques d’ingénierie patrimoniale pour apporter une réponse adaptée aux attentes de sécurisation de la transmission d’un point de vue juridique et fiscal… Alors, œuvrons !

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